Dans un pacte de confiance mutuelle, nous avions décidé de vivre séparément.
Pendant deux ans nul orage d'importance ne vint troubler cette belle harmonie jusqu'au jour où .....
Nous sommes au sommet de la sainte Victoire, Manon échevelée, souffle court, transpirante, arrive au pic des mouches à l'instant même où une femme hurle joyeusement en se jetant à mon cou "Serge que je suis contente de te voir, depuis tout ce temps" Je reconnais Sophie, une ex qui avait compté dans ma vie. Fraiche comme une rose matinale elle lève vers moi les prunelles chaleureuses de ses yeux marrons, ému par une vague de souvenirs inopportuns, je détaille son corps moulé dans un short très court. Une toux insistante me ramène à la réalité, « Manon » dis-je dans un geste vague vers ma compagne. Sophie l'effleure à peine du regard et sourire éblouissant à moi seul destiné évoque "le bon vieux temps"
Du coin de l'œil je vois sans inquiétude Manon s’éloigner.
Quelque temps plus tard je la rejoins... son visage fermé n'augure rien de bon.
- Alors heureux me jette-t-elle agressive,
- Heureux pas spécialement, mais content oui, tu sais elle et moi c'est fini depuis longtemps
-On dit çà on dit ça, mais il y a toujours une étincelle quelque part qui demeure
Surpris par la tristesse subite de sa voix, je la serre contre moi et l’embrasse. Dans sa dixième année, sa mère était partie en Afrique rejoindre son premier amour. Elle avait assisté impuissante à la lente autodestruction paternelle.
Quelques jours plus tard, je surprends Manon à reposer vivement mon téléphone portable alors que je rentre dans le salon.
- Qu'est-ce que tu cherches ???
- Tu l'as revue?? Elle t'a appelé??
- Qui??? Je connais fort bien la réponse, mais il me faut gagner du temps pour garder tout son naturel à mes paroles
- Tu sais qui, ne fais pas l’innocent, j'ai bien vu comment tu la regardais, tu ne me regardes plus comme cela depuis longtemps, déclare-t-elle vindicative.
- Tu te fais des idées ma puce, je t'aime toi telle que tu es, tu le sais bien, dis-je en la serrant dans mes bras, évitant son regard, vaguement coupable du trouble qui ne me quitte plus depuis cette rencontre.
Peu à peu le comportement de Manon change.
Aux premières questions insidieuses succède une surveillance accrue, puis vient l’escalade : reproches, pleurs, scènes et insultes de plus en plus violentes pour motif souvent bénin: léger retard, téléphone sur messagerie, absence imprévue, rencontre fortuite
L'argumentation calme constructive ne suffit plus à la convaincre de ma bonne foi, l'agacement à devoir justifier mon emploi du temps alimente une irritation grandissante.
L'inquisition ininterrompue de ma vie professionnelle, les sempiternelles questions sur ma liaison avec Sophie, gonflent peu à peu les eaux tumultueuses de mon indignation et de ma rancœur
Jusque au jour où Manon écarlate, échevelée, la bouche déformée par la vindicte surgit dans mon bureau et se jette sur la cliente présente "Laisse mon mari s..., il est à moi "
Toute la fureur des courroux et exaspérations accumulés durant ces derniers mois, jugulés par le vernis du self contrôle et de la bonne éducation, rompt les digues de la raison.
En marathon fou, le sang que charrient mes veines devient de la rage pure, une énergie forcenée me propulse vers Manon pour lui assener deux paires de gifles d'une rare violence. L'image paternelle main levée sur ma mère s'impose alors à mon souvenir. Suis-je entrain de lui ressembler???
Subitement dégrisé, souffle court et bras ballants, pensées en déroute, j'assiste au départ de Sophie, voutée sanglotant vaincue.
Comment en étions nous arrivés là ???