Atelier d'écriture du Pont du Las
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Atelier d'écriture du Pont du Las

Cet atelier est animé par Franck Schmid à la médiathèque du Pont du Las à Toulon.
 
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 New Hope Express

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cyril




Messages : 7
Date d'inscription : 22/03/2014

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MessageSujet: New Hope Express   New Hope Express EmptyVen 30 Mai - 9:06

Le wagon de seconde classe est à moitié vide. Le contrôleur passe en revue les passagers.

Une femme en tailleur vert, un éventail à la main. A sa droite, un homme pâle, qui s'éponge le front avec un mouchoir blanc. Devant eux, un jeune couple, en pleine conversation. Assis en face des jeunes gens, un dandy, haut de forme et monocle, l’œil rivé sur sa montre à gousset.
De l'autre côté de l'allée, une jeune gouvernante qui tente d'occuper une fillette tout en répondant aux questions d'un adolescent.
Enfin, les pieds sur la table, le chapeau rabattu sur les yeux, un homme qui doit avoir la quarantaine. Appuyée contre son siège, une canne à pommeau d'argent avec les initiales SJH.

Le contrôleur hoche la tête, puis se penche sur l'interphone pour donner le signal du départ.
La sirène retentit. Les portes se ferment avec un claquement métallique, et le train se met en branle dans un jet de vapeur.
Le mur d'enceinte de la cité se rapproche à une vitesse prodigieuse. Un point noir à l'horizon, qui grossit jusqu'à engloutir le train.

A l'improviste, l'obscurité.

L'enfant rit et bat des mains. Des voyageurs chuchotent.
Quelques minutes, et les plafonniers s 'allument, éclairant la rame de leur lueur tamisée.
Un passager se lève, prend la direction du bar. Un autre va aux toilettes. La routine s'installe.
Le tunnel s'étire encore et encore. De temps à autre, une lampe rouge vient briser la monotonie du voyage, puis les ténèbres reprennent leur dû.

Une transition insensible. Un peu de lumière à l'Est, qui filtre à travers les nuages.
Une nuée de cendres. L'odeur âcre de la fumée.
Tout est gris, les contours brisés. On n'y voit pas à dix pas.
Dans le wagon, l'air est lourd, épais. Quelqu'un hoquète.
Au bord de la voie, quelques arbres rachitiques, vites éclipsés par des tourbillons de poussière.
Le dandy montre une forme indistincte, à quelques pas des rails. Quelqu'un? D'autres voyageurs se pressent à la fenêtre. Trop tard: le train passe et la silhouette s'estompe.
Le couple s'embrasse. La petite fille dort sur les genoux de sa gouvernante.
Au loin, quelque chose de gigantesque s'ébroue dans un grondement. Son ombre s'abat sur le train comme un raz-de-marée.
Des gens crient. Les habitués sourient avec indulgence. Le dandy affecte un air d'ennui.
La créature fait un pas, comme une montagne qui s'écroule. Le train sursaute avant de retomber lourdement sur ses rails.
Un concert de cris. Personne ne sourit, cette fois.

Un nouveau tunnel dévore le train. Le calme retombe lentement.
Soudain, les lumières vacillent et s'éteignent. Quelqu'un chute dans l'allée centrale et se redresse en jurant.
Les lumières reviennent d'un coup, accompagnées par un soupir de soulagement collectif.
La femme en vert demande à son voisin de s'écarter. Pas de réponse. Elle le pousse d'un geste excédé et l'homme dégringole par terre.
Il reste là, face contre terre, les bras en croix. Immobile.

Cri perçant.

Les gens se retournent.
Le dormeur ouvre les yeux.
Il se lève, abandonne son chapeau sur une table.
Sans hésiter, il retourne l'homme sur le dos, tente de prendre son pouls, finit par renoncer.
Il sort un petit miroir de sa poche, le tient devant les lèvres du malheureux. Une légère buée vient effleurer la glace.
L'homme sourit.
Sa main disparaît dans une sacoche, en ressort aussitôt avec une seringue. Un piqûre dans la carotide, puis il tire le malade jusqu'à un fauteuil inoccupé et l'y installe tant bien que mal.

Pendant qu'il s'occupait du malade, le train a émergé à l'air libre.
Dehors, des nuages à perte de vue, noirs comme de la poix, épais comme du goudron. Ils montent à l'assaut des cieux tels autant de mauvais présages.
Sans avertissement, une pluie fuligineuse s'abat sur le train, martelant le toit avec une patience de métronome.

TOK, TOK, TOK, TOK, TOK

Dans le wagon, les mines sont lugubres. Les discussions portent sur le malade et les règles de quarantaine. L'adolescent affirme à grande voix qu'on ne les laissera jamais quitter la rame, maintenant.
Le médecin sort un jeu de tarot, propose un partie. Les autres l'ignorent.
Il hausse les épaules et range les cartes dans son sac. A la place, il en extrait un livre usé par les ans et l'usage, l'ouvre au hasard et se plonge dans la lecture.
Le couple pleure dans son coin. Les jeunes gens ont dépensé toutes leurs économies pour s'embarquer sur l'Express. Le dandy leur jette un regard méprisant.

Personne ne fait attention au tunnel suivant.

Le soleil s'est couché. Quelques étoiles s'accrochent au firmament, éclipsées par la lumière blafarde des deux lunes.
Le dandy effleure la fenêtre, retire sa main précipitamment. Un gangue de givre recouvre les vitres. Dans la voiture, les souffles glacés des voyageurs s'élèvent comme autant d'ectoplasmes paresseux.
La dame en vert sort un châle, le dandy ferme son manteau. D'autres, moins prévoyants, se roulent en boule ou se serrent les uns contre les autres.
Dehors, le paysage est écrasé par la neige: une neige triste et sale, une neige qui refuse de fondre.

New Hope est encore loin.
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