Le transversexpress
Violentes secousses. Vacarme assourdissant. Prêt pour le départ ? Démarrage imminent.
Lumière solaire, aveuglante. Suffocation. Besoin urgent de happer l’air. Ensuite, une douce chaleur, accueillante, enveloppante. C’est parti pour le grand voyage mais auparavant, un doigt éthéré creuse un léger sillon au-dessus de la bouche rose. Chut ! Tout sera à réinventer. Le train de la vie est en marche.
Voilà une chambre blanche, aseptisée, ouatée. Puis une autre et d’autres lieux, certains hostiles, étrangers, d’autres chaleureux, hospitaliers, c’est selon.
Et tout à coup, trou noir. Plongée dans l’obscurité. Comme avant. Des bruits dans le lointain : un vinyle crachotant du jazz, un robinet qui coule, des voix qui s’entrechoquent. Puis, plus rien, silence, solitude, sommeil…
Le réveil est foudroyant. L’avancée inéluctable. Au milieu d’une nature sèche, coriace : châtaigniers, oliviers, poireaux sauvages hérissés parmi les ceps de vigne noueux. Une école bourdonne de cris, d’éclats de rire, de galopades dans la cour. Il y a une odeur d’huile pour moteur à deux temps. De jeunes adolescents zigzaguent sur leurs deux-roues, souriants, insouciants ; l’avenir est à eux. Juste le temps d’apercevoir une ville dans le fond et c’est la nuit.
Tunnel sans fin, sans fond. Gouttes d’eau dans un silence abyssal, frôlements d’ailes dans le noir absolu. Puis, une lueur, deux, trois, odeur de carbure d’acétylène, cliquetis métalliques, frottements de corde et c’est la lente remontée vers la lumière du soleil.
Des gens partout, ça grouille : de la musique, des rires, des élèves dissipés, des étudiants motivés. Des va-et-vient incessants. Pas le temps de tout voir, les images se bousculent, avalées par la vitesse. Puis, accalmie soudaine, tout s’apaise. Des rochers marmoréens, la mer diaphane, le crissement des cigales. Des chats s’étirent paresseusement au soleil. Des fleurs épanouies au milieu d’herbes folles. Les arbres qui murmurent avec le vent. Un couple s’embrasse voluptueusement. Poussières de bonheur disséminées dans le paysage.
Le voyage devient plus dense mais semble plus rapide. Les corps se raidissent, les têtes chenues sont plus nombreuses. Accélération du temps, ralentissement des mouvements.
Bientôt le terminus ?
Ultime trou noir. Dernier tunnel. Tout se calme, même les douleurs, jusque-là lancinantes. Des ombres surgissent, inconsistantes, opalescentes. Plus de bruit, les mots sont vains. Le contact d’une main posée sur un bras décharné prend tout son sens. Un regard aimanté sur un autre. Derniers vestiges d’humanité. Peu à peu, tout s’efface. Aspiration. Néant.
Et à nouveau, sortie du tunnel. Musique aérienne, diffuse. Une grande lumière de toute part.
Et des visages, des visages aimés, des visages aimants. Alliance totale des consciences. Un amour absolu baigne tout cet environnement.
Infinité du terminus. C’est ici que tout s’arrête. C’est ici que tout commence.