Conte scolaire
Seize heures. Fanny rangea son manuel de philosophie dans son sac et se dirigea vers l'infirmerie.
- Quelle perte de temps la visite médicale, marmonna-t-elle en s'asseyant sur la dernière chaise libre du couloir silencieux où elle rouvrit son livre de philo. Tout le monde sursauta quand la porte du couloir s'ouvrit brutalement sur un personnage qui d'un regard délogea un garçon de sa place et s'y affala dans un bruyant raclement de chaise.
- Tu es en retard Léo, déclara Fanny en levant les yeux du livre. Il t'a déjà appelé deux fois.
Devant-elle, Léo afficha un sourire narquois qui ne disparut qu'à l'appel de son nom. Comment pouvait-il être premier de l'école avec son comportement ?
- Enfin la dernière, bailla le médecin.
- Bonjour monsieur Scott.
- Toujours des problèmes avec Léo à ce que je vois.
- Oui, vous êtes bien le seul à avoir de l'autorité sur lui ici.
- C'est parce que je suis un génie.
Fanny éclata de rire.
De retour de la visite, elle s'étonna de trouver les portes de la réserve ouverte sans se douter qu'un triste spectacle l'y attendait.
Le docteur Scott tendit un mars à Fanny.
- Je ne pensais pas que ça puisse lui arriver, déclara-t-elle après une bouchée.
- Personne ne pouvait le prévoir, la consola M. Scott.
Tous deux fixaient la porte placardée "radiologie". Près d'eux, une femme dans les bras de son mari se lamentait «Léo, mon petit Léo…». La porte s'ouvrit et le couple se précipita vers elle. Un médecin les dirigea vers la porte attenante et ils disparurent. Fanny était à bout de nerf. Debout à son côté, l'œil rivé sur le hublot de porte, monsieur Scott suivait la consultation. Après un moment il se rassit, soulagé.
- Ça va aller. Rien de cassé et pas de commotion, déclara-t-il.
- Mais, et son apathie ? s'inquiéta Fanny.
- Simple état de choc.
Le couple ressorti en poussant Léo dans un fauteuil roulant. Qui peut brutaliser autant quelqu'un, se demanda Fanny devant ce regard vide. Mais lorsqu'il la frôla Léo saisit sa main.
Qui était-il ? Qui était Léo ? Où était-il ? Il avait fui. Plus de pensée, plus de volonté et plus de sens. Plus que le vide pour échapper à la vague rouge. Douleur brisant corps et esprit. Et alors, dans le noir, une étincelle chaude. Il l'enferma dans sa paume et la chaleur s'accentua. D'autres brasiers s'allumèrent, réveillant ses sens. Léo se sentait en sécurité, enveloppé dans cette chaleur, inconnue. Enfin il reprit conscience et avec lui la vague qu'il avait fui. La panique commença à l'envahir mais deux mains chaudes enveloppèrent son visage.
- Tout va bien, ça va aller, répétait une voix douce et familière.
Ses yeux reconnurent enfin le visage de Fanny. Alors, comme après une longue apnée, Léo recommença à respirer cramponné à la bouée de sauvetage qu'elle lui avait lancé.
Fanny entra en trombe dans l'infirmerie. Scott pivota sur sa chaise l'air méfiant.
- Monsieur, vous pouvez m'aider ? supplia-t-elle.
- Encore des problèmes avec Léo ? devina le médecin.
- On a une réunion dans cinq minutes.